La famille Harrison habite une petite maison en briques rouges à Liverpool, dans le quartier de Wavertree, le quartier de « l’arbre qui tremble », en référence au Tremble, une espèce de peuplier forestier. Ils sont pauvres, et les bouches sont nombreuses. Lors des grands froids hivernaux, ils s’entassent dans la cuisine pour se réchauffer autour du feu. La mère est employée de commerce, le père steward dans la White Star Line. Ainsi, Louise French découvre qu’elle est enceinte de son quatrième enfant alors que son mari est en pleine mer. Elle attend impatiemment son retour. Elle est angoissée. Comment faire passer le temps ? Elle écoute l’émission hebdomadaire Radio India qui diffuse des sons mystiques évoqués par les sitars et les tablas, espérant apporter calme et sérénité au bébé dans son ventre.
George Harrison nait en 1943, petit dernier de la fratrie. Louise French est une mère attentionnée qui veut tout le bien pour ses enfants. Elle aime chanter, et son coffre est connu dans tout le quartier de Wavertree. Quand Louise reçoit des visiteurs dans leur maison de fortune au 12 Arnold Grove à Liverpool, elle fait trembler les vitres. Tout ce qu’elle veut pour ses enfants, c’est les rendre heureux. Dès sa naissance, George est habitué à entendre sa mère chanter. Même avant de naître, il portait la trace des sons mystiques venus des Indes. Il vit ainsi les quatre premières années de sa vie au 12 Arnold Grove, cette maison mitoyenne située dans un cul-de-sac, avec des toilettes extérieures et un seul feu de charbon pour se chauffer. Ensuite la famille déménage dans un logement social au 25 Upton Green. Il est temps pour le jeune George d’aller à l’école et de commencer son apprentissage. L’institut propose un cours de musique mais Harrison est déçu par l’absence de guitare.
Un bel après -midi, les rues de Liverpool sont calmes. Les enfants rentrent à pied de l’école. Du moins ceux qui ne peuvent pas se permettre de payer le bus public. George, lui, a un vélo. Il pédale tranquillement. Pas son genre de crâner ! Pas son style d’aborder les filles ! Tout à coup, dans la rue, un son s’élève. C’est une musique. Elle est bien différente de celle des Indes mais tout aussi enivrante. Ce ne sont pas des sons de sitars et de tablas ! Ce n’est pas son idole Django Reinhardt et ses mains agiles. C’est une voix tonitruante, une guitare vibrante, un rythme à couper le souffle. C’est une révélation à l’image d’une lame tranchante qui descend du ciel. Un coup de foudre pour cette chanson ! Il arrête de pédaler et écoute cette chanson paradisiaque qui surgit de la fenêtre d’une maison voisine. Il en est amoureux. C’est une révélation. Une apparition. Un signe du destin. C’est Heartbreak Hotel d’Elvis Presley :
Although it's always crowded
You still can find some room
For broken hearted lovers
To cry there in their gloom
Be so, they'll be so lonely, baby
They get so lonely
They're so lonely, they could die
George est convaincu qu’il lui faut une guitare, et que son avenir appartient au rock’n roll. Il sublime ses désirs par des dessins obsessionnels durant les longues journées d’école. Ses cahiers se remplissent de guitares, et les leçons y sont de plus en plus rares. Il rêve d’un destin grandiose, d’un succès sur scène, de ses mains qui conquièrent un monde en s’agitant sur les cordes. La musique d’Elvis Presley résonne contre ses tempes, il est ailleurs. Son père s’inquiète. Malgré sa réticence face aux aspirations irréalistes de son fils, il lui achète à une guitare acoustique Dutch Egmond flat-top, qui, selon Harold, a coûté trois livres et dix centimes. Quel bonheur, quelle délectation. Dans sa chambre, Harold entame son apprentissage. Il se coiffe comme Elvis, et secoue les jambes au rythme du rock’n roll…
Alan Alfredo Geday